Marc Giai-Miniet

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Les boîtes sont apparues assez tardivement dans mon travail de peintre. Comme une réminiscence de mon désir d’adolescent de faire du théâtre, et peut-être même, venant de plus profond encore, de jeux d’enfant entre batailles rangées de figurines et trains électriques installés sous la table de la salle à manger familiale. Je me souviens aussi de la noirceur du garage où mon père, mécanicien, travaillait. Je me souviens surtout comment, enfant tout jeune, je fus choqué de voir les photos des camps de concentration, leur installation méthodiquement mortifère, les monceaux de corps et les grands tas d’objets volés soigneusement triés et récupérés…

Ces boîtes, au début de leur fabrication dans les années 92-93, reprenaient dans des petits formats les thèmes de mes tableaux : scènes du décervelage, visites aux momies, agitation des larves et transfusions diverses. Au fil du travail, les constructions devenant de plus en plus grandes, les personnages ont disparu et des livres, des bibliothèques entières ont pris place.

Je comprenais que les livres brûlés étaient la métaphore douloureuse de la vie des hommes, à la fois esprit et matière, voués inexorablement à leur destin. Car non seulement les livres, comme les hommes, peuvent être brûlés, mais parfois aussi, par la connaissance transmise, ils nous brûlent, nous métamorphosent, nous guident ou nous égarent.  Les hommes témoignent dans leurs livres de la beauté de l’univers mais aussi de leurs gouffres péremptoires. Fragiles et éphémères comme eux, ou défiant le temps, capables d’imprégner nos mémoires par la vision de bonheurs possibles, d’élans spirituels et d’espérances, capables aussi d’y inscrire les pires horreurs.

Chacun y verra, de la blancheur des livres aux noirs égouts, un cheminement, un va-et-vient constant entre les deux pôles majeurs de l’Homme : la bestialité et la transcendance, la fragilité humaine et la divinité inaccessible.

Marc Giai-Miniet